1772-10-23, de Voltaire [François Marie Arouet] à Henri Louis Lekain.

Je vous prie, mon cher ami, de faire à mme la marquise du Deffant, la même faveur que vous avez faite à Tronchin; je veux dire de souper chez elle, et de lui lire, en très petite compagnie, les Lois de Minos.
Vous savez que la perte de ses yeux ne lui permet guère d'aller au spectacle, et que les yeux de son âme sont excellents. Je vous demande avec la plus vive instance de ne me pas refuser; on vous gardera le secret. On le jurera sur la pièce qui tiendra lieu d'évangile, et vous verrez jusqu'à quel point un lecteur, tel que vous, peut faire illusion, en débitant un ouvrage très-indigne de paraître après les chefs-d'œuvre qui ornent la scène française.

Portez vous bien; formez des acteurs, ne pouvant pas former de poètes.

Je vous embrasse le plus tendrement du monde.

V.