21e 7bre 1772
Mon cher ange, je suis dans l’extase de le Kain.
Il m’a fait connaître Sémiramis que je ne connaissais point du tout. Tous nos genevois ont crié de douleur et de plaisir, des femmes se sont trouvées mal, et en ont été fort aises.
Je n’avais point d’idée de la véritable tragédie avant le Kain; il a répandu son esprit sur les acteurs. Je ne savais pas quel honneur il faisait à mes faibles ouvrages, et comme il les créait. Je l’ai appris à six-vingts lieues de Paris. Il est bien fatigué. Il demande en grâce à Mr le duc de Duras, et à m. le mal de Richelieu, la permission de ne se rendre à Fontainebleau que le 12. Il mérite cette indulgence. Je vous supplie d’en parler. J’écris de mon côté, et en son nom. Un mot de votre bouche fera plus que toutes nos lettres. Vous n’aurez donc que le 12 le code Minos; vous le trouverez un peu changé, mais non pas autant que je le voudrais.
Je ne suis plus si pressé que je l’étais. J’ai dompté la fougue impétueuse de ma jeunesse; mais je crois qu’on pourra fort bien publier ce code au retour de Fontainebleau.
On parle d’une pièce de mr le chevalier de Chatelux, qu’on répète; je lui cède le pas sans difficulté. Son livre de la félicité publique m’a rendu heureux, du moins pour le temps que je l’ai lu; il est juste que j’en aie de la reconnaissance. De plus, il faut laisser les Welches dégorger leur Romeo et leur Juliette.
Je me mets toujours sous les ailes de mes divins anges.
V.