12 juillet [1772]
1º Le bordereau des éffets contenus dans les sacs, donné par Dujonquay à Mr de M: et approuvé par lui avec une promesse de donner sa reconnaissance quand les sacs lui seraient aportés chez lui, semble faire une grande impression sur l’esprit de plusieurs juges.
Cependant, il se peut que la partie adverse ait promis de donner ces sacs, et en ait écrit les étiquettes pour mieux faire tomber Mr de M: dans le piège. Il est étonnant qu’aucun avocat n’ait parlé dans ses mémoires d’un fait qui parait si important.
2º On demande s’il n’est pas possible de savoir positivement par la Tourtera et par d’autres, des notions de la conduite de Dujonquay et de ses associés.
3º Si on ne pourait pas avoir quelque lumière par le sr Deville qui a été avocat.
4º Si aiant manqué l’occasion favorable de faire parler le piqueur Gilbert chez son maître, il serait encor tems de réparer cette omission.
5º Si on pourait avoir le témoignage du chirurgien qui a traitté Aubriot, ou de ceux qui ont été témoins de sa cure.
6º Ce qui a le plus indisposé plusieurs juges, c’est qu’aux conclusions de l’avocat général Mr De M: s’est retiré, et que les parties adverses sont demeurées avec constance, offrant de retourner en prison. Dire qu’on n’a pas voulu se compromettre, et que les adversaires n’avaient pas le même honneur à conserver, ne parait pas une raison valable à des juges convaincus que tout le monde est égal aux yeux de la justice.
Si on avait des réponses bien détaillées sur tous ces objets, et de nouvelles instructions, on pourait faire un nouveau mémoire sur les probabilités, dans lequel, en discutant de bonne foi le pour et le contre, on tâcherait de manifester l’innocence de Mr de M: aux yeux les plus prévenus.
Comme la curiosité du public parait un peu refroidie sur ce procez intéressant, et que cette curiosité ne se ranimera que lorsqu’il sera prêt d’être jugé, il serait bon de ne faire paraître ce nouveau mémoire que peu de tems avant l’arrêt.
Il est nécessaire de savoir quand on croit que le jugement sera porté, et qui instruit actuellement la procédure.
13e juillet 1772, à Ferney
J’aurais, Monsieur, bien d’autres éclaircissements à demander; et il faudrait m’éclairer plus qu’on n’a fait. Je prends cette funeste affaire très à cœur. Plusieurs magistrats paraissent pencher pour les Verons. Il y en a même qui ont été révoltés du ton décisif de Mr Linguet. Je crois que le public ne peut revenir que par un écrit modéré qui paraisse impartial.
Je voudrais surtout trouver quelque raison plausible d’avoir fait des billets pour 327000 Livres sans avoir reçu un sou.
Pourquoi faire ces billets au profit de la Veron quand on espère toucher l’argent d’une compagnie?
Peut on administrer quelque preuve, ou dumoins quelque présomption forte, que Dujonquay ait fait accroire à Mr de Morangiés que c’était une compagnie qui prêtait les cent mille écus? et en ce cas, par quelle contradiction a t-il fait les billets au profit de la Veron?
Comment Mr de Morangiés aiant des soupçons de la fourberie la plus insigne, n’a t-il pas sur le champ réclamé légalement contre ses billets par une protestation par devant un commissaire?
En un mot, Monsieur, je demande les instructions les plus amples, que vous pouriez m’envoier par Mr D’Ogny. Je tâcherai alors de bien servir la cause à laquelle vous vous intéressez.
Il me faut surtout le mémoire en faveur du nommé Mauvoisin publié par l’avocat Laville.
Vous connaissez tous les sentiments de v. t. h. o. sr
V.