1772-06-14, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Mon ange ne me mande rien, mais des lutins m’écrivent que la distribution des Crêtois, a déjà éxcité la cabale la plus vive, la plus turbulente, la plus agissante, la plus moqueuse, la plus dénigrante, la plus assommante, Que Molé désespéré du passedroit qu’on lui a fait en ne lui donnant pas la moindre charge en Crête, ameute une trentaine de belles Dames, lesquelles ont fait acheter tous les siflets qu’on a pu trouver encor à Paris.
Je vous ai prié, J’ai prié Monsieur de Thibouville, de m’envoier sans délai cette pauvre Crête. Elle est déjà blessée à mort par la police, elle mourra des mains de D’Oberval, de Monvelle, de D’Alainval, de Claverau, de Bagnoli, et de Belmont. Mais je ne veux pas être complice de sa mort. Je vous demande avec la plus vive instance d’avoir la bonté de me renvoier la pièce sur le champ par Marin qui la contresignera, et je la renverrai tout de suitte avec les changements qui sont prêts. Ces changements sont d’une nécessité absolue. Il est triste que le champ de bataille soit à cent trente lieue du pauvre général. Vous savez ce qui arriva à l’armée de Mr De Belleisle pour avoir voulu la commander de loin.

Je me mets à l’ombre de vos ailes, mais écrivez moi donc.

Vous avez dû recevoir un petit paquet de moi par Marin.

V.