1770-12-31, de Voltaire [François Marie Arouet] à Mathieu Henry Marchant de La Houlière.

J’ai différé longtemps à vous écrire, mon cher brigadier, et à remercier madame la brigadière de ses remerciements.
J’ai crû longtemps la guerre sûre, et je comptais vous surprendre une seconde fois, en vous envoyant une petite pancarte de commandement, qui vous aurait valu un peu plus que la lieutenance de roi de Salce. Mais monsieur le duc de Choiseul a rendu au roi et à la France le service d’écarter la guerre, et immédiatement après il a été déplacé. Il emporte à Chanteloup les regrets de toute la France et l’estime de toute l’Europe. Ainsi, plantez des vignes et semez du blé, tandis que nous avons chez nous la famine.

Madame la brigadière,

Permettez que mon vieux visage s’approche un moment du vôtre et que j’y laisse tomber quelques larmes que m’arrachent les regrets de la destitution de monsieur le duc de Choiseul. Nous ne savons pas encore quel est son successeur.

Madame Denis vous fait, à tous les deux, ses plus tendres amitiés. Agréez les sincères sentiments du vieillard du Mont-Jura.

V.