à Ferney 22 8bre 1770
Mon cher neveu à la mode de Bretagne, car vous l’êtes, et non pas mon cousin, apprenez s’il vous plaît à prendre les titres qui vous conviennent.
Vous vous lamentez dans votre lettre du 20 7bre de n’être point brigadier des armées du roi tandis que vous l’êtes. Fi! que cela est mal de crier famine sur un tas de blé!
Pour vous prouver que vous avez tort de dire que vous n’êtes point brigadier, lisez s’il vous plaît la copie de ce que m. le duc de Choiseul a la bonté de m’écrire de sa main potelée et bienfaisante du 14 octobre:
‘J’ignorais, mon cher Voltaire, que m. de la Houlière fût votre neveu, mais je savais qu’il méritait de l’être, et d’être brigadier; qu’il nous a bien servis, et qu’il s’occupe d’agriculture, ce qui est encore un service pour l’état, pour le moins aussi méritoire que celui de détruire. Votre lettre m’apprend l’intérêt que vous prenez à m. de la Houliere, et j’ose me flatter que le roi ne me refusera pas la grâce de le faire brigadier à mon premier travail etca, etca.’
Mr Gayot, à qui j’avais pris la précaution d’écrire aussi, me mande:
‘Les dispositions du ministre n’ont rien laissé à faire à mes soins pour le succès. J’aurai tout au plus le petit mérite d’accélérer autant qu’il sera en moi l’expédition de la grâce accordée etca, etca.’
Dormez donc sur l’une et l’autre oreille mon cher petit neveu, et mandez cette petite nouvelle à votre frère. Il est vrai qu’il ne me fit point part du mariage de sa fille, mais il est fermier général, ce qui est une bien plus grande dignité que celle de brigadier, d’autant plus qu’ils ont des brigades à leur service. Il n’y a pas longtemps que m. le brigadier Courtmichon se fit annoncer chez moi: c’était un employé au bureau de la douane.
Madame Denis, qui est véritablement votre cousine, vous fait les plus tendres compliments. Je présente mes très humbles obéissances à madame la brigadière.