A Ferney, 12 novembre 1770
Je vous dirai donc, mon cher neveu, que, selon moi, vous n’avez pas trop bien fait de ne pas remercier sur le champ m. le duc de Choiseul et m. Gayot.
Quand on remercie d’une grâce promise, on met le bienfaiteur dans la nécessité d’en hâter l’accomplissement.
Vous feriez très bien aussi d’écrire un petit mot à madame la duchesse de Choiseul. C’est par elle que passent toutes mes lettres à m. le duc, afin qu’elles ne soient point confondues dans la foule. C’est elle qui a fait la fortune de m. Dupuits, mari de mlle Corneille. Ne manquez pas de lui mander que je vous ai appris que vous êtes au nombre de ceux qui lui ont obligation. Deux mots suffisent. Vous n’aurez probablement point de réponse, mais on se souviendra de vous.
Je me flatte encore que vos très courtes lettres à m. le duc et à m. Gayot seront d’une écriture lisible.
Je vous fais cette semonce, supposé que vous n’ayez pas encore votre brevet, car si vous l’avez reçu sans doute vous avez remercié; mais encore une fois, il ne faut pas oublier la duchesse.
Je m’étonne que votre frère ne vous avance pas les deux chétives années de pension qu’on vous doit. Ce n’est pas la peine d’être fermier général, s’il ne vous aide pas à provigner vos belles vignes. N’allez pas, s’il vous plaît, vous mettre en frais pour m’envoyer du vin du cap de Salses; ma faible machine n’est pas digne d’une telle liqueur. Si vous voulez m’envoyer une très petite caisse seulement, pour rendre honneur et gloire à vos travaux, il n’y a qu’à l’adresser à Lyon, à m. Sherer, banquier, avec un mot d’avis. Mme Denis en boira deux coups et moi un. La petite-fille de Corneille en boira dans une cuiller à café, comme une dame d’honneur. Mme Denis et moi, nous vous faisons les plus tendres compliments, ainsi qu’à mme la brigadière, à mme votre fille et à l’amateur de la lecture, le tout sans cérémonie.
Quand il se présentera quelque chose à votre bienséance, avertissez moi, sans faire de bruit; les petits servent quelquefois mieux que les grands. Comptez, du moins, sur mon zèle et sur ma promptitude, tout vieux et tout malade que je suis.