à Ferney ce 10 Xbre 1770
Mon cher philosophe, mon cher ami, il est important que nous ayons avec mr Gaillard un littérateur quel qu’il soit, attaché à l’académie, philosophe, et intrépide ennemi des cagots.
On m’a parlé beaucoup de mr de Malzherbe.
On dit aussi que le président de Brosses se présente. Je sais qu’outre les Fétiches et les terres australes, il a fait un livre sur les langues, dans lequel ce qu’il a pillé est assez bon, et ce qui est de lui détestable.
Je lui ai d’ailleurs envoyé une consultation de neuf avocats, qui tous concluaient que je pouvais l’arguer de dol à son propre parlement. Il a eu un procédé bien vilain avec moi, et j’ai encore la lettre dans laquelle il m’écrit en mots couverts que si je le poursuis il pourra me dénoncer comme auteur d’ouvrages suspects que je n’ai certainement pas faits. Je puis produire ces belles choses à l’académie, et je ne crois pas qu’un tel homme vous convienne.
J’ignore s’il se présente quelque évêque ou quelque balayeur de collège de Sorbonne. Si on veut un homme de lettres il me semble qu’il en faut un qui puisse servir la littérature et l’académie. Il n’y en a peut-être pas de plus propre à remplir ces deux objets que mr Marin. Il a réussi dans quelques histoires bien écrites; il a fait de jolis vers; il a obligé tous les gens de lettres; il est dans un âge et dans une place qui répondent de sa conduite. Voyez ce que vous pouvez faire. Je crois que de tous les littérateurs c’est celui dont vous serez le plus content. Je devine très bien quelle est la souscription dont vous me parlez, cela serait charmant.
L’aventure de l’archevêque de Toulouse n’est que trop vraie, et vous ferez très bien de savoir s’il a eu des ordres supérieurs. C’est un mystère qu’il faut absolument éclaircir.
Permettez moi d’embrasser mr de Condorcet et vos autres amis.
V.