22e auguste 1770
Mon très cher confrère en Theodicée et en académie, je vous envoie un peu de la chétive prose que vous me demandez.
Je sais bien qu'il n'est pas juste que je vous demande en échange de l'or pour mon cuivre. Mais comme vous êtes fort généreux il ne tiendrait qu'à vous de m'envoier quelques vers de vôtre poëme dont on dit encor plus de bien que des saisons. Je suis très malade, très languissant, et il n'y a que vos vers qui puissent me ranimer. Je vous les demande comme un restaurant dont j'ai un besoin extrême.
Vous verrez que j'ai deviné vos sentiments dans la réponse au sistême de la nature. Vous suppléerez à tout ce que je n'ai pas dit, car malheur à qui dit tout.
Je vous remercie tendrement de vos bontés pour Mr de Varicourt. Je les implorerai dès que je saurai nettement ses intentions.
Vous me faittes trembler en parlant de ces coups du ciel qui peuvent changer la face de la terre. Je m'intéresse fort à la face de ceux que vous aimez. Je ne sais comment il arrive que les coups du ciel font toujours beaucoup de mal.
Voulez vous bien présenter mes respects à M. Le Prince de Beauvau et à Made De Bouflers. Soiez surtout bien persuadé, Monsieur, de tous les sentiments que vous m'inspirez, de l'extrême obligation que je vous ai de faire tant d'honneur aux Lettres, de mon estime infinie, et de mon attachement inviolable
V.
Mr De Varicourt est très affligé de la goute; il demande sa retraitte d'invalide, il dit que c'est tout ce qui lui convient dans le triste état où il est. Je vous suplie, Monsieur, de ménager en sa faveur toutes les bontés dont M: le Prince de Beauvau l'honore.