Paris le 16 Juin 1770
Dites moi un peu, Monsieur, ce que vous allés faire à Dijon.
J'étois chés le grand fauconnier lorsqu'il a reçu vôtre réponse et elle est datée de cette ville. Il m'a promis de nous aider à faire reparoitre Mairet sur la scène, mais je doute qu'il mette autant de zèle que le Maréchal de Richelieu en a mis pour faire représenter une pièce nouvelle du trop célèbre Palissot. Cet homme dans le besoin qu'il a de faire des méchancetés, a fait une comédie contre lui même et dans laquelle en même tems il n'épargne pas les littérateurs célèbres qu'on appele dans ce pays ci les Philosophes. J'ai suprimé tout ce qui les concernoit, le Maréchal s'est mis fort en colère contre moi, J'ai tenu ferme, mais il a obtenu de Mr De Sartine qu'une partie des râtures seroient rétablies. J'ai fait tout ce qui étoit en mon pouvoir de faire; J'ai effacé de nouveau dans Les copies qui m'avoient été données pour l'approbation tout ce qui me déplaisoit et J'ai prié tous mes amis d'annoncer les changemens que J'avois faits, que J'ai continué à faire et qu'on pourra vérifier soit dans l'exemplaire de la police, soit dans celui de la comédie. J'ai fait de nouvelles représentations au magistrat qui est l'homme le plus honnête, mais à qui le Maréchal veut forcer la main et Je ne sais ce qui en arrivera. Il n'est pas encore décidé si on la jouera dimanche ou dans La semaine.
Vous ne me parlés pas du mémoire de Billard manuscrit que Je vous ai envoyé. Est ce que vous ne l'avés pas reçu?
M. D'Argental avoit eu le Bras démis dans la Bagarre du 30. Il me semble que Je vous l'avois mandé. Mais il se porte très bien.
Je n'ai pas idée de cet essai sur les Préjugés. Je vais le faire chercher sur mes registres et Je vous donnerai les éclaircissemens que Je trouverai.
Vous m'avés rendu un très grand service d'effacer mon nom parmi les ane[c]dotes du corsaire de Quimpercorentin. Je ne l'ai connu que par une friponnerie insigne qu'il m'a faite, et ce fut Bombarde que bien vous connoissés qui en fut cause. Ce n'est pas à Paris qu'on peut imprimer ces anecdotes, mais bien dans le pays où vous êtes, et on peut nous en faire passer des exemplaires que nous Colpolterions.
Je vous écris à Ferney parce que Je ne sais si vous êtes encore à Dijon.
Madame Denis vous a t'elle suivi? Présentés lui bien tous mes homages. J'ai remis vos lettres.
Je vous embrasse respectueusement.
Marin