1770-03-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Gaspard Fabry.

Monsieur,

L'afluence des émigrans qui sera bientôt suivie d'un très grand nombre d'étrangers, rend le bois de chaufage si cher et si nécessaire qu'il est de la plus grande importance d'en empêcher toute exportation à Genêve.
Nonseulement on y voit passer des chariots de bois de chaufage mais il y a actuellement cent cinquante douzaines de planches aux portes de Genêve qui sortent d'icy.

Nous avons recours à vous, madame Denis et moi, pour vous prier d'empêcher ce brigandage. Nôtre intérêt nous anime moins que l'intérêt d'un païs auquel vous rendez tant de bons offices. Un païsan vint ces jours passés m'offrir du bois à vingt francs la corde; il l'a fait passer à Genêve où il n'en a eu que dix huit francs.

Le charbon n'est pas moins nécessaire; il n'est pas juste que les genevois aient le nôtre quand nous en manquons.

Je suis fâché de vous importuner de ces détails; mais tout ce qui peut me procurer des marques de vôtre amitié m'est précieux.

Nous aurions encor une grâce à vous demander. C'est au sujet du marais de Magni, dont les riverains ont laissé combler les fossés. Nous avons élargi et aprofondi tous ceux qui touchent nos terres. C'est au sr Mallet, citoien de Genêve, et aux autres à suivre nôtre éxemple. Il s'agit de la santé des sujets du Roi qui est le premier bien, et ils vous le devront.

Permettez que made Denis vous prie encor de vouloir bien légaliser la quittance cy jointe.

J'ai l'honneur d'être avec l'attachement le plus respectueux

Monsieur

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire