1770-01-31, de Count Andrei Petrovich Shuvalov à Voltaire [François Marie Arouet].

Autant j'ai Eté flaté, Monsieur, des deux Lettres que vous m'avés fait L'honeur de m'Ecrire, et qui toutes deux contenaient des Choses précieuses, autant suisje-Etoné d'Aprendre que ma réponse ne vous soit point parvenue.
Voilà pourtant ce que dit très-Clairement Votre dernière lettre à L'Impératrice qu'Elle à eu La bonté de me Communiquer. Je reçus vos deux Lettres à trois jours de Distance L'une de L'autre. Je n'eus rien de plus pressé que de présenter ces Ecrits à La Souveraine qui fut on ne peut pas plus Enchantée et des Couplets ou stances sur La déroute des Ottomans, et de Votre Belle Ode sur cette Guerre.

Il n'Est pas possible, Monsieur, que vous me soupçoniés capable de Négligence. D'ailleurs si j'eusse Eté assés Stupide pour ne vous pas répondre quant à ce qui me regardait, j'avais trop de Choses à vous dire de La part de L'Impératrice. J'en Etais Expressément Chargé. Je L'ai fait au premier Ordinaire, mais Il faut que ma Lettre soit ou dans quelque Bureau de poste ou Entre Les mains des sois disant Confédérés, qui n'osant attaquer nos trouppes, font quelques fois La revüe des Valises que portent Les postillons.

Pardonés tant de Détails; du moins ils Expriment faiblement combien je suis fâché de pouvoir paraitre inéxact, à L'home du Monde que je révére le plus.

Cette Expédition qui vous plait plus que celle d'Annibal Est sans doute digne d'Occuper un Instant votre Muse Immortelle. Hélas! si ma malheureuse Lettre vous Etait parvenüe peut-Etre recevraisje quelques Lignes sur ces Nouveaux Argonautes qui on fait un trajet bien plus Long que Les anciens. Ah! Monsieur, aiés quelques bontés pour Le pauvre fils de Mérope, soiés persuadé de son attachement pour Votre persone, car pour L'admiration qu'il Conserve pour vos Ecrits C'Est un Sentiment qu'il partage avec tous Les hommes.

J'ai L'honeur d'Etre

Monsieur

Votre très-humble et très-obéiss. serviteur

Le Comte de Chouvalof