1769-09-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis François Armand Du Plessis, duc de Richelieu.

En voicy bien d'un autre, Monseigneur; mr De Chimène me mande que vous avez la bonté de faire jouer à Fontainebleau Les Guèbres.
Je prends donc la Liberté de vous les envoier quoi qu'ils me soient dédiés.

Vraiment je vous serais très obligé si aulieu de Tancrede ou de Mérope qu'on connait assez, on jouait les Guèbres et les Scythes qu'on ne connait point. Celà mettrait, ce me semble, plus de vivacité dans vos amusements de Fontainebleau, et ce serait pour moi une grande consolation et beaucoup d'honneur de contribuer un moment à vos plaisirs.

Si vous avez lu l'histoire du Parlement, vous avez trop de pénétration et de goût, avec trop de connaissance du tems présent, pour ne pas vous apercevoir que ces chapitres ne sont pas de la même main qui a écrit les premiers. Prèsque toutes les anecdotes sont fausses. On a pris le conseiller Vesigny pour le vieux président de Nassigni. On supose que tous ceux qui ont assisté au procez de Damiens ont eu des pensions, ce qui est également faux et ridicule. D'ailleurs, ces chapitres sont écrits très grossièrement, et avec une impropriété de langage qui révolte.

Vous savez quel brigandage a règné dans la compagnie des Indes et au Canada; il n'y en a pas moins dans la république des Lettres. Voilà ce qui m'avait déterminé à sortir de France, et si j'y suis rentré ce n'est pas bien avant. Vos bontés me consolent de tout. Agréez le tendre respect de vôtre vieux serviteur qui sera pénétré pour vous tant qu'il vivra de son inutile et inviolable attachement.

V.