1769-08-29, de Marie Louise Denis à Voltaire [François Marie Arouet].

J'ai reçu Mon cher ami un volume de ce livre chinois que j'avais tant de désir de Connaitre.
Il me faut le premier tosme qu'il me serait très difficile de trouver ici. L'ouvrage qui en tout est de 12 volumes est ici d'une chaireté si grande qu'il me serait impossible d'en approcher. Si vous trouvez ce premier tosme envoiez le moi.

Je ne comprands rien à ce que me marque mme Daumard. Depuis plus de trois mois elle me dit que les discussions qu'elle a avec sa famille et bien d'autres raisons l'enguageront à me venir voir. J'ai fait Consulter pour elle le nottaire de Vime. Il faut que je lui fasse arrenger un appartement et par sa dernière lettre elle me dit de ne point faire de démarche jusqu'au mois de 9bre dans sa famille. Il n'est plus temps, elles sont faites et j'en attands réponce ces jours ci. Mais je commence à croire que malgré tout ce qu'elle dit elle n'a nulle envie de venir. Premièrement elle ferait très mal délicate comme nous la connaissons de ce mettre en voiage dans une saison aussi avancée. De plus si l'on commensait à prendre des arrengemens au mois de 9bre pour tous les obgets nécessaire ils ne seroient pas finis au mois de janvier. Il y a quel que petites réparation à faire à l'apartement comme de boucher une porte, d'en ouvrir une autre. Il n'y aura pas pour un louis de massonerie mais il faut qu'elle seche, et que cela soit fait au plus tard dans le mois de 7bre. Il y a une cheminée qui fume qu'il faut racomoder. Tout cela est habbité par des domestiques ce qui a fait negliger toutes ces petites chauses. L'appartement qu'occupait les enfans au second servirait pour les domestiques. Tout serait bien, tout serait comode sans dépence eccepté quel que meuble mais il faut un peu de temps d'avance, et quand j'aurai la réponce du notaire de Vime il faut que cette dame preine sa résolution de venir ou qu'elle envoie sa procuration à quel qu'un de confience.

Je lui ai mendé très positivement comme c'est la pure vérité que je ne lui donnais aucun Conseil de venir ou de ne pas venir, par ce que ne pouvant lire dans l'avenir j'ignore si elle s'en trouverait bien ou mal. J'ai fait ce que j'ai pu pour me Conformer à ses désires qu'elle m'a marqué dans touttes ses lettres. Ensuite c'est à elle à faire ce qui lui plaira davantage. La grande difficulté sera d'arrenger mon beau frère avec de Vime. Nous aurons recour à vous pour cela, c'est à dire de tâcher d'être bien avec tous deux. C'est la piere philosophale mais nous ne pouvons rien sans la réponce. Je vous ai déjà mendé la première. Il faut attendre la seconde qui ne peut pas tarder. Si mme Daumard ne vient point cela me fera partir plus tos et en vous allant retrouver je pourai passer deux ou trois jours chez elle. Mais je souhaite qu'elle se desside par ce qu'il me serait impossible de me mettre en route passé la fin d'octobre ou les premiers jours de 9bre. Je suis trop infirme pour risquer un pareil voiage dans l'hyver. Je sçai ce qu'il m'en a couté de Lion à Paris, avec un froid abbominable. Je suis trop vieille pour faire des tours de force. Vous me disiez autrefois mon cher ami que vous voudriez que j'eusse sinquante ans. Actuelement je vous plairai bien davantage car j'en ai 90. Il faut s'en consoller et aller jusqu'au bout. L'amitié tient lieu de tout. Si vous me Conservez la vôtre je me trouverai heureuse de vivre avec toutes mes misères.

Les Guebres sont retardés, on ne les jouera que dans 15 jours. Nous irons certainement. J'ai vu quelque changemens heureux dans un livre que j'ai lu ces jours ci qui m'ont fait un grand plaisir. Adieu Mon cher ami, la poste me presse. Que j'ai de choses à vous dire! que j'ai envie de vous embrasser! En cas que j'aille vous trouver voulez vous en passant que je voie à Dijon Mr et Mme le Dou pour vos progets de Provance? Vous me parlez de Toulouse, vous me faites frisçonner, ne vous fiez jamais à un corps irrité. Vous êtes téméraire.