3 mai 1769
Il y a peut-être, mon cher ange, je ne sais quoi de fat à vous envoyer sa médaille; mais il faut que du moins je vous présente mes hommages en effigie puisque je ne peux les apporter en personne.
L'ami Marin m'a appris qu'il y a un conseiller du Châtelet qui n'est pas conseiller du Parnasse. Cela ne m'étonne ni ne m'épouvante. Renvoyez moi toujours les Guêbres, on y insérera environ quatre-vingts vers nouveaux que l'auteur m'a envoyés. On y mettra un petit mot de préface, dans laquelle on dira que l'auteur avait fait d'abord de cette pièce une tragédie chrétienne, que sur les représentations de ses amis il avait cru le christianisme trop respectable pour le mettre encore sur le théâtre après tant de tragédies saintes que nous avons, qu'il a substitué les Guêbres aux chrétiens avec d'autant plus de vraisemblance que les Guêbres ou Parsis étaient alors persécutés. On pourrait alors faire entendre raison à ce maudit conseiller, on pourrait s'adresser par made D'Egmont, à mr de Richelieu si vous approuvez cette tournure. Au pis aller on ferait imprimer l'ouvrage bien corrigé et un peu embelli, avec une préface honnête pour l'édification du prochain.
On ne fera rien sans l'ordre de mes anges.