Monsieur,

Le Prince de Timor n'a point trouvé d'appui à la Cour où il n'y a que des grands, on lui a fait espérer qu'il seroit plus heureux en s'adressant à un grand homme: Je suis du nombre de ceux qui sont persuadés que vous pouvez faire beaucoup pour lui; Ce n'est pas d'aujourd'huy Monsieur que vos talens ont servi votre bienfaisance: Un mot de vous feroit infiniment plus d'effet en France que tous les bavardages de nous autres pauvres avocats; il est peu de personnes dont l'incrédulité tint contre une profession de foy de votre part, et l'expérience nous a appris qu'une chose à laquelle vous paroissés prendre quelque intérêt devient aussitôt intéressante pour tout le monde.

A mon égard, Monsieur, j'ose vous assurer autant qu'il est en moy que mon Client des Moluques a dit la vérité, je crois pouvoir en répondre après les interrogatoires que je lui ai fait subir; vous jugerés si, dans cet état, sa situation est déplorable.

Mes efforts en sa faveur ne lui ont produit rien de plus qu'un ordre de quitter son azile et d'aller mourir de faim hors de la Capitale. Le Prince vient demander très humblement qu'on voulut bien le punir s'il en avoit imposé, ou qu'on eût la bonté de le laisser libre s'il n'étoit pas prouvé qu'il eût menti. On ne lui a rien répondu de plus sinon qu'il eût à ne pas paroitre.

Permettés, Monsieur, qu'en mon particulier je me félicite d'avoir trouvé une occasion que j'ay désirée toute ma vie, celle de pouvoir témoigner au plus grand homme de mon siècle les sentimens d'admiration dont j'ay été pénétré pour lui dés mon enfance. Je ne sçais si j'aurai le bonheur d'obtenir de vous, Monsieur, la grâce que je me suis chargé d'implorer, mais quelque soit mon succès je serai toujours trop flatté de pouvoir vous assurer des sentimens respectueux avec lesquels j'ay l'honneur d'être

Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur

Lethinois
avocat aux
Conseils du Roy, ruë s^te Avoye

Paris 16 x^bre 1768