13 9bre 1768
Vous ne savez pas, mon cher petit philosophe, combien je vous regrette.
Je ne peux plus parler qu'aux gens qui pensent comme vous; il n'y a que la communication de la philosophie qui console.
On me mande de Toulouse ce que vous allez lire. 'Je connais actuellement assez Toulouse pour vous assurer qu'il n'est peutêtre aucune ville du royaume où il y ait autant de gens éclairés. Il est vrai qu'il s'y trouve plus qu'ailleurs des hommes durs et opiniâtres, incapables de se prêter un seul moment à la raison; mais leur nombre diminue chaque jour, et non seulement toute la jeunesse du parlement, mais une grande partie du centre et plusieurs hommes de la tête vous sont entièrement dévoués. Vous ne sauriez croire combien tout a changé depuis la malheureuse avanture de Calas. On va jusqu'à se reprocher le jugement rendu contre Mr. Rochette et les trois gentilshommes; on regarde le premier comme injuste et le second comme trop sévère'.
Mon cher ami, attisez bien le feu sacré dans votre Franche Comté. Voici un petit A B C. qui m'est tombé entre les mains, je vous en ferai passer quelques uns à mesure; recommandez seulement au postillon de passer chez moi et je le garnirai à chaque voyage. Je vous supplie de me faire venir le Spectacle de la nature, les Révolutions de Vertot, les lettres américaines sur l'histoire naturelle de Buffon. Le plutôt c'est toujours le mieux, je vous serai très obligé. Je vous embrasse le plus tendrement qu'il est possible.