J'ai l'air d'être un ingrat, mon cher ami, mon cher confrère.
Vous m'avez envoié des vers charmants, et je ne vous en ai pas remercié sur le champ. Mais songez toujours combien je suis vieux et par l'âge et par les maladies. L'envie et la calomnie poursuivent encor ma pauvre vieillesse. On ne m'a point laissé en repos dans ma retraitte. Ce qu'il y a de pis c'est que ces persécutions continuelles font perdre un tems prétieux. Je n'en ai pas été moins sensible au charme de vos vers. Il n'y a peut être qu'une personne qui en puisse être plus touchée que moi, c'est celle à qui ils sont adressés. Si j'étais son mari je me défierais fort d'un pareil feseur de compliments.
Vous devez avoir une princesse de Babilone. Elle viendra sans doute vous voir à vôtre lever. Si vous voulez bien lui aprendre par quelle voiture il faut qu'elle parte, et à quel intendant des postes il faut qu'elle présente requête, son père vous aimera de toutes ses forces tant qu'il respirera.
V.
20e juillet 1768, Par Versoy et Lyon