ce 22 juin 1768 de Paris
Mon cher Vaniere je suis fort aise que tu sois moins malade.
Je conseille très fort à Mlle Vagniere de t'enguager à te ménager. Vous avez une femme et des enfans. Toute réflection faites nous n'avons que la vie, il faut la passer doussement et ne se chagriner de rien. C'est un effort que je fais sur moi même dont je commence à me bien trouver, et je vous conseille d'en faire autant. Le chagrin n'est bon à rien, il faut le mettre à ses pieds. Voilà la vraie philosophie, prendre le temps comme il vient, et jouer avec la vie.
L'arrivée des provinciaux francs Comtois me paroît fort originale. S'ils sont venus sans être mendés avec armes et baguages je suis sûr qu'ils auront bientos leur congé. Mais si l'on les a priés d'y venir peutêtre les joues potelées de mme paté et autres choses itout, auront trotté dans la servelle du patron et qu'il ne serait pas fâché de se les appliquer. Pour lors le voiage serait plus long. Je te prie Mon cher ami de me donner des nouvelles de cela toutes les semaines au moins une fois et je l'aimerais mieux deux lors que tu auras quelque chose à me mender. Tu peux être sûr que je brûle tes lettres dès que je les ai reçues, mais ne les met point dans le sac le soir. Il peut le demender pendand la nuit, ou de grand matin avant que le commissionere parte. Voiez partir le commicionere quand vous lui donnez une lettre pour moi. Je ne vous écrirai plus. Cela est trop dangereux àmoins que je n'aie des occasions sûre. Mais écrivez moi toujours. Mr Malet vous rendra encor cette lettre. Rembourcez lui le port et dites lui que ce sera la dernière.
Les lettres de Mr de V. sont d'une froideur extrême et peu fréquante. Je lui ai demendé dans ma dernière s'il avait quelque chose contre moi. Il faut que cette boutade passe, j'avoue qu'elle est violante et peu méritée, mais je lui pardonne tout accause de sa teste bouillante et de son grand âge. Tâchez de savoir ce qui se passe dans son âme car malgré ma philosophie je l'aime toujours, et surtout donnez moi des nouvelles des francscomtois.
Damilaville comte aller bientos à Fernex. J'ai écrit au patron une grande lettre par Calas. Je ne sçai s'il en sera contant. Adieu mon cher Vaniere, j'embrasse votre femme et je l'aime bien. N'aiez point d'inquiétude de Bigex, s'est un imbécile, et quand même il aurait du credi sur le patron cela ne pourait pas être long. Portez vous bien et soiez sûr de mon amitié pour vous. Elle est inviolable et durera jusqu'à la mort. J'oubliais de te dire que je t'envoie le reçu.