12e avril 1768, à Ferney
Je ne savais pas, Monsieur, qu'il y eût un Tronchin allemand; ils me paraissaient tous Français et bons Français.
Comment un Tronchin peut il s'appeller Waldkirk, Eglise du bois? Je parie que cette église n'est pas si jolie que celle où je communie. Oui par dieu je communie, et je communierai tant qu'il y aura une communion dans le monde, et je heurlerai avec les loups pour n'être point dévoré par eux. J'accepte de bon cœur le Te deum de vôtre pauvre diable d'Evêque, qui comme vous savez est fait pour édifier l'Eglise, attendu qu'il est petit fils d'un masson.
Je n'ai jamais entendu parler du chandelier de Lyon; c'est aparemment quelqu'un qui veut m'éclairer. Ce Chandelier prétend que je suis vôtre parent. Plût à Dieu qu'il dit vrai, mais j'aime encor mieux que vous soiez mon ami.
Il est très vrai qu'on va travailler à force à Versoy. Ce sera un débouché de plus pour ceux qui achêteront Ferney. Pour moi qui ne songes qu'à la vie éternelle, il m'est fort indifférent de monter au ciel par Ferney ou par Tournay. Mais tant que je végéterai dans ce bas monde soiez très sûr que vous aurez en moi un serviteur passionément dévoué.
De quois s'avisait ce pauvre Jalabert de chevaucher? Je me garderai bien d'en faire autant.
Donnez vous le plaisir d'ouvrir le paquet du Chandelier. S'il y a quelque chose qui vaille la peine d'être lu aiez la bonté de me l'envoier, sinon jettez le dans le feu avec les quinze ou vingt volumes de brochures qui ont inondé vôtre république depuis quatre ans. Vivez guaiement, moquez vous de tout. C'est un très bon parti que j'ai pris depuis longtemps.
V.
Quand vous viendrez à Ferney je vous ferai manger du pain béni, tout indigne que vous en êtes.