8e janv: 1768
Vous voulez, Monsieur, que je vous écrive vivo et valeo.
Je ne peux en conscience vous écrire ainsi, je mentirais. Je suis dans mon lit depuis trois mois, et je ne peux pas assurer que je sois en vie. Tout ce que je puis vous dire c'est que ma dernière volonté est de vous aimer et de vous lire.
Je compte vous envoier le recueil que vous voulez bien demander. Dites moi à quel correspondant de Hollande vous ordonnez que je l'adresse.
Je n'ai point reçu de Lettre de Bruxelles. Le commerce a été interrompu pendant plus de six mois entre Genêve et le païs que j'habite; nous avons eu des troupes, et il y a eu beaucoup d'infidélités dans les postes.
Il n'y a point encor eu de vrai trouble à Genêve, mais seulement beaucoup de mauvaise volonté et beaucoup de brochures fort ennuieuses. D'ailleurs tout a été tranquile. Les deux partis oposés ont plaidé devant leurs juges; les magistrats ont gagné leur cause, mais les représentants n'ont point acquiescé au jugement. On cherche des moiens de conciliation.
Envoiez nous vite, Monsieur, le poëme que vous nous promettez pour nous consoler de l'ennui des tracasseries de Genêve. Ne doutez pas de l'estime infinie, et de l'attachement sincère avec lesquels je serai toute ma vie, Monsieur
v. t. h. o. s.
V.
à Ferney par Genêve 8e janv: 1768