1767-09-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Joseph Panckoucke.

J'ai enfin reçu, Monsieur, les deux premiers volumes de vôtre vocabulaire.
Tout ce que j'en ai lu m'a paru éxact et utile, rien de trop ni de trop peu, point de fade déclamation. J'attends la suitte avec impatience. Vôtre entreprise est un vrai service rendu à toute la littérature.

Vous me feriez plaisir de m'aprendre les noms des auteurs à qui nous avons tant d'obligation.

J'ai l'honneur d'être bien véritablement, Monsieur, vôtre très humble et très obéissant serviteur.

Il ne serait pas mal de mettre dans vôtre errata, que nous prononçons autoda fé par corruption, et que les espagnols disent auto-de fé. Il y a une grosse faute à la page 423, Les dieux mêmeséternels arbitres, il faut les dieux même, sans s. Cet s donne une sillabe de trop au vers.

Il y a une plus grande faute à la page 422.

Plaçat tous bienfaicteurs au rang des immortels.

C'est un barbarisme. On dit, tous les bienfaicteurs, et non tous bienfaicteurs. On n'entendrait pas un homme qui dirait, j'ai mis tous saints dans le catalogue.

D'ailleurs, il faut tâcher dans un dictionaire de ne citer que de bons vers, et ne point imiter en celà l'impertinent Dictionaire de Trevoux. Les vers cités en cet endroit sont trop mauvais. Bonté fertile, est ridicule.

Priez vos auteurs de ne citer que des faits avérés. Le viol d'une Dame par un marabou à la face et non en face de tout un peuple, est un conte à dormir debout digne de Léon d'Afrique.