1766-11-29, de Pierre Michel Hennin à Voltaire [François Marie Arouet].

Voicy vraisemblablement, Monsieur, la Lettre que vous attendiez de Versailles, je me hâte de vous l'envoyer.

Les têtes genevoises sont encore bien en l'air sur l'ouvrage de la médiation. Il faut croire que c'est la fin de leur accès.

Nous nous sommes proposés vingt fois M. l'Ambassadeur et moy de vous avertir que Votre justice est prête à tomber, et que son panchant l'entraine à écraser quelqu'honête voyageur qui passera sur le grand chemin sans penser à mal. Votre intention n'est pas que ce qui est fait pour effrayer les méchans devienne funeste aux bons. Faites donc redresser ou plustôt remplacer ces quatre pilliers, simboles de votre pouvoir sur vos vassaux. Ils interceptent le chemin de Ferney. Les bons catholiques se signent et passent le long du fossé opposé, mais tous ceux qui vont vous voir n'usent pas de cette recette, et vous qui aiméz les hommes seriez au désespoir que quelque mécréant fût écrasé sous la chute d'un Gibet comme vous l'êtes quand par malheur on y en accroche quelqu'un pour faire peur aux autres.

Pardon m. de ma remarque géographique. Je fais icy l'office de grand voyer. Si cet épouvantail pouvoit écarter de Ferney tous les ennuyeux je vous dirois, Laissez le et prévenez vos amis de faire le grand tour. Mais vous savez qu'en ce bas monde la chance n'est pas toujours pour les bons. Puisse votre commissionaire passer encore une fois intact ce dangereux pas.

Je vous embrasse et me recommande ainsi que le public à votre charpentier.