1765-12-04, de Voltaire [François Marie Arouet] à Philippe Charles François Joseph de Pavée, marquis de Villevieille.

Mes maladies qui me persécutent, monsieur, quand l'hiver commence, et mes yeux qui se couvrent d'écailles quand la neige arrive, ne m'ont pas permis de répondre aussitôt que je l'aurais souhaité, à votre obligeante lettre.
Mad. Denis et mad. Dupuits sont aussi sensibles que moi à l'honneur de votre souvenir. Made Dupuits s'est avisée d'accoucher à sept mois, d'un petit garçon qui n'a vécu que deux heures; j'en ai été fâché en qualité de grandpère honoraire; mais ce qui me console c'est qu'il a été baptisé; il est vrai qu'il l'a été par une garde huguenote, cela lui ôtera dans le paradis quelques degrès de gloire que père Adam lui aurait procurés.

Je ne suis point étonné, monsieur, que vous ayez de mauvais comédiens à Nancy; on dit que ceux de Paris ne sont pas trop bons. Il est difficile de faire naître des talents quand on les excommunie. Les Grecs qui ont inventé l'art avaient plus de politesse et de raison que nous.

Il me paraît que vous n'étes pas plus content de la société des femmes, que du jeu des comédiens, le bon est rare partout en tout genre. Vous trouverez dans votre philosophie des ressources que le monde ne vous fournira guère. Si jamais le hasard vous ramène vers l'enceinte de nos montagnes, n'oubliez pas l'ermitage où l'on vous regrette.

Agréez les respects de V.