Ferney 22 avril [1761]
Mon ancien ami, je vous croiais opulent, ou du moins arondi.
Mr Damilaville me mande qu'il y a quelque brèche à votre rotondité. Voicy une idée qui m'est venüe. Un magistrat de Dijon, jeune et de baucoup d'esprit, a fait une comédie très singulière, et ne voudrait pour rien autre monde être connu. Son idée est de la faire jouer, et de partager les honoraires entre celuy qui se chargera du délit, et un secrétaire très affectioné, vieux serviteur de la maison. Ils auront aussi le profit de l'édition. Voyez si vous pouvez vous charger de cette besogne. Je crois que ce n'est pas une mauvaise affaire. L'auteur exige un profond secret; êtes vous en état de faire lire cette comédie au tripot, sans vous commettre, et sans commettre personne? Je remplis la mission dont l'amitié me charge. Mandez moy votre résolution.
J'ay demandé un almanac, où l'on trouve les patriarches grecs. J'en ay besoin, non pas que je prenne un vif intérest à l'église grecque, mais en qualité de pédant.
On m'a promis un livre contre l'excomunication des comédiens. L'auteur doit me l'envoyer.
Du Mollard m'a demandé une trêve de la part de l'abbé Trublet, il dit qu'il ne compilera plus. Je donne donc l'absolution à l'archidiacre mon confrère.