4e xbre 1765
Mon confrère Saurin, mon cher frère, m'a envoié son Orpheline léguée, et je lui en fais mes remerciements par cette Lettre que je vous adresse.
Je ne crois pas que ce leg ait valu beaucoup d'argent à l'auteur. Il y a beaucoup d'esprit dans son ouvrage, bien de la finesse; une grande profondeur de raison dans les détails; les vers sont bien faits; le stile est aisé et agréable, et avec tout celà, une pièce de théâtre peut très bien n'avoir aucun succez. Il faut vis comica pour la comédie, et vis tragica pour la tragédie; sans celà, toutes les beautés sont perdues. Aiez la bonté de lui faire parvenir ma Lettre.
Je viens d'être attrapé par un livre que j'avais fait venir en hâte de Paris. L'annonce me faisait espérer que je connaîtrais tous les peuples qui ont habité les bords du Danube et du Pont Euxin, et que j'entendrais fort bien l'ancien Slavon. L'auteur mr Peyssonel, qui a été consul en Tartarie, promettait beaucoup et n'a rien tenu. Je mettrai son livre à côté de l'histoire de Huns par Guignes, et ne les lirai de ma vie.
J'attends pour me consoler, le ballot que Briasson doit m'envoier. Il ne songe pas qu'en le fesant partir au mois de Janvier par les rouliers, il m'arrivera au mois de mars ou d'avril.
Je ne sçais de qui est une analise qui court en manuscrit et qui est très bien faite. Les erreurs grossières d'une chronologie assez intéressante, y sont développées par colonnes. On y voit évidemment que si Dieu est l'auteur de la morale des Hébreux, comme nous n'en pouvons douter, il ne l'est pas de leur chronologie; mais ces discussions ne sont faittes que pour les sçavants; et pourvu que les autres aiment Jesu Christ en esprit et en vérité, il n'est pas nécessaire qu'ils en sachent autant que Neuton et Masham.
Bonsoir, mon cher frère. Ecr: l'inf: