1764-12-31, de Charles de Brosses, baron de Montfalcon à Charles Catherine Loppin, baron de Gemeaux.

. . . En revanche je vous porterai demain le Dictionnaire philosophique où vous trouverez le peuple hébreu, manié de la main de votre ami. Il y a, à travers des folies et des disparates, des choses bien vues et bien exprimées, qui vous feront plaisir, mais d'ailleurs communes et que tout le monde sait; il passe sa vie à lire le commentaire de Calmet, où il prend son érudition et ajuste ses épigrammes. Il vient de faire la Philosophie de l'histoire qu'on a brûlée à Genève (je ne l'ai pas vue encore), et je ne sais quel autre petit ouvrage dont j'ai oublié le titre, qui est très rare à Paris et très défendu. Quant à l'abbé de Villefroy avec son figurisme, il n'est pas moins fou que l'autre et beaucoup plus triste, mais il sait mieux l'hébreu. Ne regrettez pas le Saül, c'est le plus plat et le plus mauvais de tous ses ouvrages. Aloisia m'est inconnu, je n'en avais jamais ouï parler. Quoi vous aimez vade platitudines! En vérité et trivialité, j'en ai dit Vaderetro. Pour la Tolérance, elle m'a paru excellente, quoique ce soit des choses communes et que la thèse se défende toute seule, mais comprenez-vous qu'à côté de tant de chapitres admirables il en ait mis de si mauvais et de si faux, comme un Le Tellier et un confesseur? Comment, quand on a tant d'esprit, a-t-on si peu de goût? Ces deux choses se voient partout chez lui. Mais ce qui m'a aliéné et indigné plus que la forêt des Ardennes, s'il ne l'eût coupée, c'est son Commentaire sur Corneille, entièrement employé à le dénigrer avec la plus vile jalousie et la plus basse puérilité. Quoi, il n'y a rien à louer dans Rodogune? Quoi, Héraclitus est une pièce mal faite? J'en suis si furieux, que j'aurais été le tuer, si le public ne m'avait vengé en méprisant parfaitement l'ouvrage. Tout le monde à l'exception de ses fanatiques en a été révolté. J'ai écrit au-devant ce vers d'Horace:

Proscripti Regis Rupili pus atque venenum. . . .