5e juin 1765
Mon cher et vertueux ami, j'ai reçu vôtre Lettre du 29 may.
Si vous êtes quatre à la tête de la bonne œuvre de faire graver une estampe au profit de la famille Calas, je suis le cinquième, si vous êtes trois je suis d'un quart, si vous êtes deux je me mets en tiers. Vous pouvez prendre chez Mr De Laleu l'argent qu'il faudra, il vous le fera compter à l'inspection de ma Lettre.
Ma santé est toujours très faible; mais il faut mourir en fesant du bien. On s'adresse fort mal quand on veut faire venir de Genêve la Philosophie de L'histoire. Mr De Barriere s'est avisé de m'écrire, et de me prier de lui faire avoir ce livre. Il n'est point imprimé à Genêve, mais à Amsterdam, et il se passe trois mois avant qu'on puisse tirer un paquet de Hollande. D'ailleurs, je n'aime point ces commissions. Les jansénistes s'imaginent que dans les païs étrangers tout ce qu'on imprime est contre eux, et on se fait des tracasseries quand on cherche à rendre service. Je suis si las de jesuites, de jansénistes, de remontrances, de démissions et de toutes les pauvretés qui rendent la nation ridicule, que je ne songe qu'à vivre en paix dans mon obscure retraitte au pied des alpes.
J'ai envoié à Mr de Beaumont un mémoire pour les Sirven. Cette malheureuse famille me fait une pitié que je ne peux exprimer. La mère vient d'expirer de douleur. Elle nous était bien nécessaire pour constater des faits importants. Vous voiez les malheurs horribles que le fanatisme cause.
Adieu, je vous embrasse tristement. Vous devez avoir reçu deux lettres aux quels j'attends réponse.