1765-04-02, de Voltaire [François Marie Arouet] à Gabriel Cramer.

Voicy, mon cher Gabriel, l'ouvrage le plus intéressant pour la philosophie et pour les philosophes, le plus nécessaire, le plus fait pour avoir un prompt débit.
Heureusement c'est un ouvrage auquel Mr Le Duc de Praslin s'intéressera. On me l'envoie de Paris, et je vous le confie comme à un frère qui va travailler pour les frères. L'entrée dans Paris est sûre. Ne perdez pas un instant; servez vous d'un caractère un peu moins gros que celui de la destruction. Faites travailler, je vous en prie, dès ce jour même. En vérité vous avez bien fait de quitter l'Espagne pour la France. Je vous réponds que tant que je vivrai vos presses ne seront pas oisives. Je vous instruirai la première fois que je vous verrai des choses qu'on éxige de vous, comme d'envoier les premiers éxemplaires par la poste, à ceux qu'on vous indiquera.

On a porté à Tournay le peu de meubles qu'on a pu trouver; on nous a volé des matelats et des couvertures. Nous tâcherons de réparer tout celà. Nous ne laisserons pas d'être assez embarassés cet été. Ferney sera plein jusqu'au toit.

Savez vous bien que le parlement de Toulouse s'est assemblé pour faire des remontrances au roi? Il soutient toujours que Calas a été roué loialement. Je vous jure, mon cher Gabriel, que je ne voudrais pas me trouver actuellement à Toulouse.

Voicy un petit mot pour madlle Rieux. Je vous embrasse tendrement vous et les vôtres.a

Point du tout. J'envoye le billet pour melle Rieux en droiture.

On vous recomande mon cher ami secret profond et diligence extrême.

V.