Voicy à peu près, Monsieur, comme je voudrais finir le petit ouvrage en question; ensuitte, j'en enverrais des éxemplaires aux ministres d'état, sur la protection, et sur la prudence de qui je puis compter; à made la marquise de Pompadour, à quelques conseillers d'Etat, et à quelques amis discrêts qui pensent comme vous et moi.
J'accompagnerais l'envoy d'une Lettre circulaire, par laquelle je les suplierais de ne laisser lire l'ouvrage qu'à des personnes sages, et d'empêcher que leur exemplaire ne tombât entre les mains d'un libraire.
J'en enverrais un au Roy de Prusse, et à quelques princes d'Allemagne, et je les suplierais de se joindre à ceux qui ont secouru la famille Calas, plongée dans l'indigence par l'arrêt absurde et barbare du Parlement de Toulouse.
Le reste des éxemplaires demeurerait enfermé sous la clef, en attendant le moment favorable de le rendre public. Voyez, Monsieur, si ce plan est de vôtre goût, et ce qu'on doit ajouter et retrancher à la feuille que j'ai l'honneur de vous soumettre.
J'attends avec impatience la Lettre de Rousseau à l'archevêque de Paris, mais j'ai bien peur qu'elle ne soit préjudiciable à la cause de la raison. J'ai été extrêmement affligé des inconséquences de vôtre ami. J'aurais souhaitté qu'il eût été le mien. Pourquoi s'est-il brouillé de guaité de cœur avec tous les siens?
Dimanche [3 April 1763]