[¹⁴⁄₅ March 1763]
Il serait fort triste et fort dangereux que les Lettres Toulousaines parussent en France avant la décision du procez; il y a des choses trop violentes contre le parlement de Toulouse; on accuserait ces Lettres d'être séditieuses; elles fourniraient des armes contre nous.
On y joint très mal à propos l'affaire de Sirven à celle des Calas, c'est ce que je craignais le plus, et ce que j'ai bien recommandé à nos avocats d'éviter. Mr de st Florentin n'est pas trop pour nous; si ces Lettres lui parviennent, il poura représenter au Roy, les protestans comme des factieux, et le parlement de Toulouse ne manquera pas de dire que tous les trois mois il y a un père de famille protestant accusé d'avoir tué son fils ou sa fille en haine de la réligion catholique; il dira qu'il a fallu un éxemple. Les amis qu'on s'est procuré avec beaucoup de peine, se refroidiront; ce n'est pas ainsi qu'on doit conduire une affaire aussi grave et aussi importante. Il faut que Mr De Végobre fasse les plus grands éfforts pour empêcher ce livre de pénétrer en France. J'écris de mon côté, et je fais écrire à Lausanne. L'auteur doit absolument suprimer le débit de son livre, jusqu'à ce que nous aions un arrêt qui condamne entièrement celui du parlement de Toulouse.
Est-il possible qu'on veuille gâter une affaire qui est en si bon train, et rendre toutes nos peines inutiles!
Voicy une petite réponse que je fais à made Calas. Je prie monsieur De Brus d'avoir grand soin de sa santé.
Je crois que mr De Gouvernet est rârement chez lui, et qu'on ne peut le trouver que chez sa femme, qui loge, dans la rue Condé, ou dans la rue voisine qui conduit au Luxembourg; elle n'est connue que sous le nom de madlle de Livry, attendu que nous ne marions point les maudits huguenots en face de l'Eglise, avec les bénis catholiques.