1765-03-22, de Angélique Constant de Rebecque, marquise de Langallerie à Voltaire [François Marie Arouet].

Quelle gloire touchante pour vous Monsieur que de voir vos soins réüssir, pour mettre en son jour l'inocence de l'infortunée famille Calas.
C'est une féllicitation que vôtre bon coeur recevra avec plaisir; elle part de tout ce qui a de l'humanité et qui pense. Si le fanatisme est une hÿdre, vous en seréz l'Hercule pour la terasser. Je compte aller passer quelque tems auprès de l'aimable Margrave de Baden Dourlach. Je vous demanderai, Monsieur, quelque recomandation et souvenir pour elle, qui sait si bien, ainsi que le Margrave, vous admirer et vous chérir. J'espère bien en revenant faire un petit détour par Lunéville; mon fils doit y être arrivé bien tôt; ce charmant chevalier de Boufflers a voulu se charger de tout pour lui. Il me prouve combien il est agréable d'être obligé par ses amis. Il y recevra une bon͞ne éducation; voilà la meilleure fortune que j'envisage pour lui dans ce moment.

Mon regret, Monsieur, est de n'avoir pas pu vous demander vôtre bénédiction et vos ordres. Ce bonheur m'est, j'espère, réservé pour mon retour. Puissiés vous joüir de cette santé précieuse que tous nos coeurs vous désirent commeà la lumière de nôtre siècle, dont les rayons vivifient ce qui est bien, et doivent anéantir ce qui est mauvais. Conservés de grâce monsieur, vôtre amitié, vôtre bonté, à celle qui a l'honeur de vous admirer de toutes les facultés de son entendement, et de vous aimer de toutes celles de son coeur. Je demande la même grâce à Madame Denis, et de vouloir bien ne pas m'oublier.