3e fév: 1765 à Ferney
Monsieur,
Madame Denis ma nièce m'a dit la substance de la lettre qu'elle a eu l'honneur de vous écrire.
Elle était un peu en colère contre M. Labat. Vous luy pardonnez sans doute un petit dépit qui luy a paru juste. Il s'agit de son bien et elle a été piquée que M. Labat n'ait pas voulu s'en tenir à la décision d'un ingénieur architecte du roy qu'il avait pris pour arbitre. Vos décisions monsieur seront l'arbitrage le plus convenable. Madame Denis vous a envoyé un mémoire très exact avec la clause de la convention sur la quelle on n'est pas d'accord et le sentiment de l'arbitre qui a conféré avec M. Labat. C'est à vous à juger. Vous êtes bien persuadé que madame Denis et moy nous avons pour objet principal celuy de vous plaire et de mériter votre estime et votre amitié.
Je suis chargé d'une si grosse maison que je me suis vu dans la triste nécessité de renoncer aux Délices. La terre de Ferney demande tous nos soins. Mon âge et mes maladies ne me permettent plus ces fréquents voiages que je faisais d'une maison à l'autre. C'est avec regret que j'ay pris ce party, mais je serai consolé par l'espérance que vous me conserverez les sentiments que vous avez toujours bien voulu me témoigner.
Je vous seray attaché jusqu'au dernier moment de ma vie. Agréés l'amitié respectueuse avec la quelle j'ay l'honneur d'être
Monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire