22 [Janv. 1765] au soir
Vous penserez peutêtre mon cher ami qu'il est très essentiel que le conseil voye l'extrait cy joint après que vous l'aurez communiqué à Mr Tronchin Calendrin et à votre famille.
On paraissait soupçonner que madame la duchesse de Luxembourg protégerait le misérable dont il s'agit, et pourait même procurer une médiation favorable aux brouillons. Je répondis et je réponds encor sur ma tête qu'il n'en sera rien.
Vous êtes bien persuadé que le conseil peut déployer toutte sa fermeté et toutte sa justice sans avoir à craindre de jamais perdre la moindre des prérogatives que la médiation luy assure. Ce sont les brouillons qui doivent craindre de perdre leurs privilèges pour peu qu'ils en abusent.
On attend que le conseil agira contre le livre séditieux de la montagne comme on agit contre un perturbateur du repos public. L'auteur est tel, et doit être déclaré tel.
Voylà ce qu'on dit, car pour moy je ne dis mot. Je ne suis pas de la paroisse.
22 au soir
Extrait mot à mot d'une lettre du 16 janvier
J'ay montré à Monsieur de Pralin ce que vous m'avez écrit sur Geneve. Il ne croit pas que le gouvernement de la république soit en danger, mais je vous assure qu'il ne soufrira pas qu'on le change.
Vous paraissez surpris que Roussau soit un malhonête homme. On ne vous a donc pas donné les mémoires que j'ay eus. Vous auriez sçu qu'il n'est ny bon, ny philosophe. Il est noir, ingrat, faux dans ses idées, dans ses sentiments, dans ses actions. En un mot il cache l'âme d'un scélérat sous le mantau de Diogene.