1765-01-19, de Jean Louis Labat, baron de Grandcour à François Tronchin.

Parlons à présent cher ami, de l'affe des D. sur laquelle je reçois ta lettre.
Tout est dit, et me voilà en possession de cette campagne, et légitime propriétaire au moyen du payemt que je dois faire dans 6 mois de 38000lt suivt les conditions passées, et en vertu de la clause (dont je n'ai assurémt aucune mémoire) qui autorise m. de V. au moyen de la cessation de sa volonté écrite, cela est sans réplique, & il ne s'agit plus que d'examiner ma position.

Je n'ai ni la volonté, ni ne l'aurai jamais, si les circonstances présentes existent, ou que notre constitution soit altérée, d'entrer en jouissance de cette campagne, je ne le puis d'ailleurs que dans 4 ou 5 ans si je vis. Dans cet état des choses, je ne vois d'autre parti à prendre que de vendre ou de louer. La vente me priverait d'une perspective agréable qui peut se réaliser, & comme l'avenir nous est inconnu, je ne voudrais pas avoir dans la suite des regrets sur cet objet, d'autant que dans le moment présent, le prix de la vente peut être moins favorable, qu'il ne le serait dans un temps de paix. Le louage de cette campagne semble donc être le parti auquel il faut s'arrêter, & dans ce cas il faut calculer, pour le choix des personnes qui conserveront le fonds en bon état, & pour le prix relativemt aux sommes déboursées. Il y a d'abord eu un capital de 10/mlt déboursé depuis le moment de l'acquisition, qui n'a porté aucun intérêt, plus q̲q̲ues dépenses qui te sont connues, puis le capital de 38/mlt. Il faudra y ajouter le prix des meubles (dont je parlerai ensuite) & de la dégradation.

Quoique cette campagne soit acquise à très bon marché, du moins on me l'a toujours fait entendre de même, je sens bien que les sommes déboursées pr cette acquisition ne peuvent pas porter un intérêt, comme de l'argt placé chez les commerçants à Lyon, et qu'il faut avoir essentiellemt en vue de conserver ce fonds en bien bon état, et tâcher de le mettre dans des mains honnêtes qui ne le dégradent pas.

Quant à l'acquisition des meubles je la crois comme tu l'observes, très nécessaire, puisque pr habiter ou pr louer, il faudrait en acheter qui seraient bp plus chers. L'acquisition à dite d'experts, paraît trancher tout compliment, toute difficulté, tout regret, & tout reproche, et elle conduit à une juste valeur sur laquelle l'acquéreur doit même être nécessairement favorisé. C'est donc la route qu'il faut prendre, et que l'on tient toujours entre honnêtes gens. M. de V. ne les a pas acquis à bon marché, ils étaient chers, il paya pour lors ses convenances, mais je ne suis pas dans le même cas; au reste il en a acquis bp d'autres qui se trouvent confondus avec ceux là, il en a aussi sans doute retirés pour mettre à Fernex &ca, et je pense qu'il serait bien difficile de comparer la taxation qui sera faite avec celle qui l'a été lors de l'acquisition, d'ailleurs l'usage en diminue nécessairement le prix assez considérablemt.

Le refus de payer les plateaux par moitié est un petit accident, on doit cependt se faire de la peine de manquer à une parole donnée, c'est un avertissement dont il est fort naturel de tirer avantage. J'imagine que la manière de procéder est d'abord de s'expliquer sur les meubles, & la manière de les transmettre. Puis d'appeler les experts pour la fixation des prix &ca, d'en arrêter un état, de le signer respectivement, de prendre quittce sur le dit état, et de fournir pour la valeur une lettre de change sur Lyon à 6 mois de date, ou pr le pr d'août.

Quant à la somme de 38/m.lt d'en user de même pour la nature de ce payement, mais comme l'engagement est par devt notaire, il me paraît que la quittance de cette somme doit recevoir la même forme, puisque ces titres doivent établir ma propriété, et la rendre constante en cas d'aliénation de cette campagne; l'acquisition & aliénation des immeubles, exigent bp plus de précautions que pr le mobilier. Tous ces arrangements exigent de ta part bien des embarras et des soins auxquels j'ai rtrès grand regret, mais comment faire pour te les éviter? Je n'y vois aucun moyen, puisque je ne connais point d'autre ami en qui je puisse prendre confiance sur ces sortes de choses. Si ta situation te permettait d'avoir une campagne, que tu eusses du goût pour habiter celle là, je ferais très volontiers & de bon cœur un sacrifice pour t'y maintenir, mais suivant mes notions je n'y vois pas trop de possibilité.

Je me flatte que les procédés de m. de V. dans cette rétrocession seront nobles & honnêtes, les tiens sont toujours de cet ordre, et vous êtes d'ailleurs fort amis &ca.

Je pense que tu auras été content de ma précédente lettre au sujet de mes intentions & de mes égards sur tout ce qui intéresse ma famille. Je ne puis que te le confirmer, vous êtes toujours les maîtres de faire à cet égard pour ce qui me touche tout ce que vous jugerez à propos.

J'imagine que je pourrais bien au printemps aller voir la sœur d'un de mes amis.

Il n'y a rien de nouveau dans ce pays sur cette matière. Je dînai hier chez made la d. d'Enville qui compte de partir dans les pers jours de févr avec madlle de la R. & made de Chabot ses filles. J'écris aujhui au dr.