1764-11-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Jeanne Pajot de Vaux.

Que Paté et Madame De Vaulx sont aimables! Si j'étais assez heureux pour n'avoir que soixante ans comme Père Adam j'aurais franchi les vilaines montagnes qui nous séparent, et je serais venu vous faire mon compliment que le petit pâté que vous nous donnerez dans quatre mois.
On dit que vous êtes dans un beau château, dans une belle terre, et ce qui vaut bien mieux c'est que vous passez vôtre vie entre deux maris fort aimables. Que ne puis-je être le témoin de vôtre bonheur! Mon cœur le partage, et ni les neiges qui nous séparent, ni mon âge encor plus froid que les neiges, n'affaiblissent mes sentiments pour vous. Jouïssez d'une vie toujours heureuse, vous la méritez par votre caractère, et vôtre bonheur redouble en faisant celui avec qui vous vivez; vous êtes chérie où vous êtes, et regrettée où vous n'êtes pas. Adieu, excellent Paté, qui réveilleriez l'apétit de tous les estomachs. Je vous serai attaché le reste de ma vie avec le respect le plus tendre.

V.