27e 8bre 1764 aux Délices près de Genêve
Puisque vous nous avez promis, Monsieur, de nous confier vôtre comédie, vous tiendrez vôtre promesse.
N'allez pas manquer de parole par éxcez de modestie. Il me parait impossible qu'avec l'esprit que vous avez, vous n'aiez pas fait une très bonne pièce. J'ai vu de vous des choses charmantes dans plus d'un genre. Nous vous promettrons le secrêt, et nous remplirons made Denis et moi toutes les conditions que vous nous imposerez.
Je vous assure sur mon honneur que le Dictionaire philosophique est de plusieurs mains. L'article apocalipse est de mr Abauzit de Genêve, vieillard de quatre vingt ans, qui a un grand mérite et une science immense.
L'article messie, est du premier Pasteur de Lausanne. Ce morceau me parait savant et bien fait. Il était destiné pour l'enciclopédie, peut être même l'y trouverons nous imprimé.
Vous voiez qu'on ose dire aujourd'hui bien des choses auxquelles on n'aurait osé penser il y a trente années. Le marquis d'Argens vient d'imprimer à Berlin, le discours de L'Empereur Julien contre les Galiléens, discours, à la vérité, un peu faible, mais beaucoup plus faiblement réfuté par st Cirille. Des amis du genre humain font aujourd'hui des éfforts de tous côtés, pour inspirer aux hommes la Tolérance, tandis qu'à Toulouse on roue un homme pour plaire à Dieu, qu'on brûle des Juifs en Portugal, et qu'on persécute en France des philosophes.
Adieu, Monsieur, n'aurai-je jamais le plaisir de vous revoir? Je vous avertis que si vous ne venez point à Ferney je me trainerai à Lyon avec toute ma famille. Je vous embrasse en philosophe sans cérémonie, et de bon cœur.
V.
Je ne peux écrire de ma main, ma santé et mes yeux sont dans un état pitoiable.