1764-08-24, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Mon cher frère, je reçois vôtre Lettre du 15.
J'espère que vous verrez bientôt le genevois anglais qui vous aportera le paquet, à moins qu'il ne soit dévalisé par Belzébuth.

Je vous garderai assurément le secret sur ce que vous me mandez du secrétaire. Ce n'était pas ainsi qu'en usaient les premiers fidèles. Pierre et Paul se querellèrent, mais ils n'en contribuèrent pas moins à la cause commune. Quand je songe quel bien nos fidèles pouraient faire s'ils étaient réunis le cœur me saigne.

Je n'ai assurément nulle envie de lier aucun commerce avec le calomniateur; j'ai été bien aise seulement de vous informer qu'il commençait à se repentir.

Je sens bien qu'on aurait pu faire un ouvrage plus instructif que la Lettre de St Maur, mais il importe fort peu qu'on se charge d'éclairer les hommes sur de mauvais vers, sur des pensées alambiquées et fausses; sur des personages qui ne sont point dans la nature; sur des amours bourgeois et insipides; c'est contre des erreurs plus importantes et plus dangereuses qu'il faudrait leur donner du contrepoison. Ce qu'il y a de cruel c'est que les empoisoneurs sont récompensés, et les bons médecins persécutés. Ne pourai-je jamais faire avec vous quelque consultation? Vous avez d'excellents remêdes, mais nos malades sont comme Pourceaugnac qui voulait battre son mèdecin.

Adieu, ne nous rebutons pas, nous avons fait quelques cures, et c'est de quoi nous consoler. Courage, Ecr: L'inf: