1764-08-06, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Ce que j'ai, je crois de meilleur à faire, mon cher frère, c'est de vous envoier l'original de la Lettre de Pankouke.
Vous verrez qu'on ne l'a point falsifiée, et qu'on en a simplement retranché des choses fort inutiles. Vous serez à portée de convaincre les incrédules, pièces en main.

On en est en Hollande à la troisième édition de la Tolérance. Celà prouve qu'on est plus raisonnable en Hollande qu'à Paris. Par quelle fatalité craint-on toujours la raison dans vôtre païs? est-ce parce que les Welches ne sont pas faits pour elle? ou est-ce parce qu'ils la saisiraient avec trop d'empressement? Que nos frères de Paris se consolent aumoins par les progrès que fait la vérité dans les païs étrangers, ils sont prodigieux. Prèsque tous les Juifs portuguais répandus en Hollande et en Angleterre sont convertis à la raison. C'est un grand pas, comme vous savez, mon cher frère, vers le christianisme; pourquoi donc tant craindre la raison chez les Welches? ô pauvres Welches! ne serez vous célèbres en Europe que par L'opéra comique?

Mon cher frère aura dans quinze jours un petit paquet, qu'un genevois venu d'Angleterre lui aportera. Je suis bien malade; mais je combats jusqu'au dernier moment pour la bonne cause.

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