5e May 1764 aux Délices
Mes divins anges verront par la Lettre cy jointe dans quel embarras je me trouve.
Je me flatte que la bonté de Monsieur d'Argental m'en tirera, et qu'il m'épargnera une violente tracasserie que j'essuie pour des contes dont je ne me soucie guère. J'avais très grand sujet de me plaindre que mon nom se trouvât à la tête des fadaises de Guillaume Vadé, d'autant plus que parmi ces fadaises il y a des choses qu'on trouvera trop hardies, et je consens de tout mon cœur qu'on les suprime entièrement; mais je ne me suis point servi des paroles choquantes raportées par Mr Cromelin.
D'ailleurs, Cramer m'a juré qu'il avait suprimé toutes les feuilles du tître dont j'avais lieu de me plaindre. Je vous demande en grâce de m'écrire [un mot] par lequel vous me renvoiez la Lettre que je vous écrivis au mois d'avril pour cette petite affaire; j'en ai gardé copie, je la montrerai au plaignant, et tout sera appaisé. Je vous aurai la plus grande obligation du monde, car rien n'est plus triste que de donner des sujets de plainte à ceux à qui on a rendu service.
Je vous suplie de ne point donner encor à Le Kaïn, la nouvelle copie des roués; vous recevrez par la première poste des changements nouveaux, qui m'ont paru d'une nécessité absolue. Je vous demanderais pardon de toutes les peines que je vous donne, s'il ne s'agissait pas d'une conspiration dont vous êtes le premier mobile. Plus je m'efforce à rendre la pièce tolérable, et plus j'ai droit à vôtre indulgence.