[c. 15 February 1764]
Je profite mon cher et aimable philosophe d'un moment d'intervale que ma fluxion me laisse pour vous dire que je souhaite que ce soit un ministre d'état qui soit l'auteur de ce livre plus que je ne le crois.
Mr de Maurepas en serait seul capable: mais je doute qu'il se mette en frais pour des intérêts qui lui sont si étrangers. La tolérance est plus courue que connue; elle est à Versailles sous la clef. On la mettra en liberté quand la fermentation parlementaire sera un peu calmée. Il est bien triste de n'avoir délivré qu'un galérien tandis qu'il y en a vingt trois aux fers pour avoir prié dieu mal à propos.
Il y a certainement un peu de mésintelligence entre la cour romaine et la nôtre. Plusieurs évêques étaient prêts de prendre le party de Rome; et voilà précisément pourquoy on a enfermé cette tolérance ou plustôt cette indiférence afin de ne donner aucun prétexte de crier, et de dire qu'on en veut à la fois aux jésuites, aux papes et aux mistères.
Vous me feriez grand plaisir mon cher philosophe de m'envoyer la nouvelle preuve de la fausseté de ce beau monument chinois dont Navarette s'est tant moqué.
Comment le sage Abausit peut il croire à ces animaux venus de Tacin conduits par des nuées bleues? que de faussaires en tout lieu et en tout temps! Je vous embrasse, je vous respecte autant que je vous aime.
V.