[c. 15 December 1763]
. . .Les véritables fondements de cette divine tolérance sont dans le christianisme même, qui appelle tous ses disciples à faire usage de leur raison pour examiner & croire ce qu'ils trouvent conforme à ses lumières, & qui leur ordonne de se supporter en cas de dissentiments, en leur déclarant qu'ils seront jugés selon ce qu'ils auront fait soit le bien, soit le mal, & non suivant ce qu'ils auront cru: l'amour fraternel et la charité qui sont les devoirs essentiels de la religion du sauveur, sont aussi les vrais motifs de la tolérance.
Ce n'est donc pas le christianisme qui a produit l'esprit de persécution si contraire à cette religion de paix, de douceur, de patience, de support, ce sont les passions qu'elle condamne déguisées sous le masque du zèle; c'est l'orgueil, l'amour de la domination, l'intérêt, l'esprit de parti, la haine, tous ces mou[ve]ments déréglés de l'âme, que Jesus Christ reprochait déjà aux pharisiens. Rendez tous les hommes de vrais chrétiens, & il n'y aura plus de guerres de religion, ni schisme, ni sectes ni disputes. D'accord sur les points essentiels, ils s'aimeront, malgré quelques différences dans les opinions ou la pratique, ils vivront entre eux dans l'union et la paix. En attaquant la religion sous le prétexte d'établir la tolérance, on révolte tous les chrétiens, et on rallume le zèle des persécuteurs; la tolérance qui ne sera établie que sur l'indifférence pour toute doctrine, laissant subsister toutes les passions, se démentira tôt ou tard, dés que quelqu'une de ses [ces] passions sera mise en jeu par un motif suffisant . . . .