1763-12-09, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Manoël de Végobre.

Je vous confie, mon cher Monsieur, que Mr Court est à Paris sous un autre nom.
J'ai peur qu'il ne veuille précipiter le succez de ce que j'ai entrepris en faveur des protestans du royaume; et que son zêle très louable ne demande trop tôt ce qu'on ne doit attendre que dans quelques années. Il m'a prié de lui faire avoir des audiances de quelques personnes qui peuvent beaucoup; je l'ai fait. Je peux vous assurer qu'il y a des hommes en place qui sont tout aussi zélés que moi. Mais, plus cette affaire est importante, plus elle demande des ménagement extrèmes.

Si quelques jours vous pouviez venir chez moi, je vous montrerais des choses qui vous surprendraient beaucoup. Comptez que personne ne vous a servi plus éfficacement que moi depuis plus de soixante ans.

Laissons d'abord juger définitivement l'affaire des Calas, à laquelle mon avocat au conseil travaille jour et nuit. C'est alors qu'on poura agir avec plus de sûreté.

Mr Le Maréchal de Richelieu me mande qu'il accorde toute sa protection à mr De Carbon, et que si on voulait lui faire la moindre peine, il l'en ferait avertir.

Vous avez dans vôtre ville de Genêve, une espèce de quakre, qui mériterait, au moins, d'être chassé, s'il était coupable de la calomnie qu'on lui impute. Je suis bien aise de vous envoier la déclaration de made Denis et la mienne. Personne n'est plus indulgent que moi, mais ce n'est pas pour les calomniateurs. Je ferai saisir ce misérable par la maréchaussée, s'il reparait sur les terres de France.

Je vous embrasse de tout mon cœur, et sans cérémonie.

V.