1763-10-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Henri Rieu.

Mon très cher Corsaire, Mademoiselle vôtre sœur doit vous avoir envoié la copie de ce que Mr le Duc De Choiseuil a bien voulu m'écrire sur vôtre compte.
Vous êtes bien recommandé au gouverneur de la Guadeloupe. Partez quand vous voudrez, mais revenez vite.

Je vous avais envoié un gros paquet, que madlle Rieu a confié à Mr Desmarches d'Antremont qui l'a laissé à Francfort. Il faut au-moins qu'on sache en quelles mains il l'a laissé, afin qu'il vous soit rendu à vôtre retour.

Maître Besogne de Rouen est un fripon, comme la pluspart de ses confrères. La Tragédie anglaise de Saül et de David lui était tombée entre les mains, et celà n'est pas bien étonnant. On en avait fait à Paris trop de copies à la main. Le scélérat l'a imprimée, il ne s'est pas contenté d'y mettre mon nom tout du long, vous m'aprenez que ce Besogne a eu l'impudence d'écrire à Amsterdam que je lui avais envoié le manuscrit. Cette friponerie est digne d'un Libraire normand.

Je crois que les Tragédies Espagnoles, dont vous me parlez, ont été faittes d'après le Cid de Corneille. Quoi qu'il en soit, vous me ferez un extrème plaisir de me les envoier. Je les ferai copier, et je traduirai ce qui en vaudra la peine.

Je vous garderai fidèlement vôtre manuscrit que je vous rendrai quand j'aurai le bonheur de vous posséder à Ferney.

Adieu, mon cher ami, je vous embrasse sans compliment.

V.