A Versailles, ce 20 septembre [1763]
Je vais écrire à m. de Burlamaqui, gouverneur de la Guadeloupe, pour lui recommander fortement votre ami le corsaire Rieux, et je vous assure qu'il sera très bien traité dans ce pays.
Votre ami le roi de Prusse ne nous fait pas dire un mot; je crois qu'il ne désire pas que la confiance et la cordialité renaissent entre la France et lui, et nous, qui sommes fiers, nous nous tenons dans la même réserve. Dalembert est revenu, je ne l'ai pas vu; c'est un génie trop sublime pour moi; d'ailleurs, depuis que j'ai lu son livre sur les gens de lettres, je ne sais pas quelle contenance on doit avoir avec lui dans une chambre.
Je voudrais que vous fissiez imprimer les notes que vous m'envoyez sur les parlements. Pareilles recherches, venant de vous, feraient plus d'impression dans le public que si elles étaient publiées par le ministère; le cardinal de Mazarin disait: qu'ils chantent, pourvu qu'ils paient; dans ce temps-ci l'on pourrait dire: qu'ils remontrent. Mais en tout je crois que l'on ne s'entend pas; la question est cependant simple; quand l'on doit, il faut payer; l'opération de finance la plus injuste et la plus dure est celle de la banqueroute; pour payer il faut de l'argent, et pour en avoir il faut imposer; l'on ne peut remontrer, quand l'on est citoyen et que l'on connaît les dettes, que sur la forme de l'imposition, car la quantité est démontrée nécessaire; or, sur cette forme, il faut, en la désapprouvant, en proposer une autre qui produise le même acquittement, sans quoi l'on dit des mots vides de sens et qui ne servent qu'à affaiblir le crédit public en troublant l'esprit de créanciers. Adieu, ma chère marmotte, je vous embrasse de tout mon cœur.