1763-08-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jeanne Grâce Bosc Du Bouchet, comtesse d'Argental.

Je dois cette Lettreà Le Kaïn, et je suplie mes anges de vouloir bien la lui faire donner quand ils iront à la comédie.

Si mes anges m'avaient renvoié ma drogue, je la leur aurais dépéchée sur le champ corrigée autant qu'on corrige pour la première fournée, et celà aurait été encor un amusement pour mes anges.

On dit que le président Hainaut est fort malade, il semble qu'il retombe bien souvent, celà fait peine; je voudrais bien savoir s'il joint à sa maladie celle de la dévotion: serait-il bête à ce point là avec l'esprit qu'il a? Mais les gens faibles, quelque esprit qu'ils aient, sont capables de croire que deux et deux font cinq. J'ai une autre maladie, c'est d'être sensiblement affligé de voir tant de faiblesse dans des hommes de mérite. On me console beaucoup en me disant que le président n'a pas infiniment de compagnons de sa maladie d'esprit. Le nombre des sages augmente, dit-on, à vue d'œil; Dieu soit loué, c'est tout ce qu'on veut dans Alep.