[c. May 1763]
Le Géant mandera à mr de Voltaire que les Puissances du Nord sont très découragées d'avoir à faire à des Philosophes; qu'au Nord on a l'esprit assez bouché pour ne pas comprendre que faire le plus de bien possible, ne soit pas un Principe qui puisse l'emporter sur toutes les autres Raisons humaines: Que si ces Puissances ne craignoient d'abuser du tems & de la vue de mr de Voltaire, elles en appelleroient comme d'abus à lui pour un factum bien digéré, plus long que ceux pour & contre les Jesuites, où il seroit démontré très conséquemment que la Loi salique n'a plus rien à craindre, parceque la culture des Lettres va tomber totalement parmi les Princesses & dans leurs Païs, des chefs d'oeuvres enregistrés, & mis au Rang de ceux des Ste Catherine des cieux, ne pouvans persuader des savants à venir habiter un autre coin de terre pour instruire & éclairer, que celui où ils ont pris Racine.
Le Géant dira tout cela avec un peu moins d'emportement & d'humeur, & surtout me sauvera le dégoût de relire cet admirable morceau à deux mois d'ici dans les Gazettes.
Je souscrirai avec plaisir pour cinquante exemplaires des Oeuvres du grand Corneille, & au lieu de mon Nom, j'envoierai la Lettre de change au Géant pour la faire parvenir.
J'en ferai volontiers autant pour la Nouvelle Edition de l'histoire universelle. Je la lirai alternativement avec de beaux manuscrits de quatre vingt pages d'extraits, sur des choses qu'on pourroit régler dans dix Lignes tout au plus.