1763-04-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul.

Mon protecteur,

Si on me demande comment il faut défricher un désert et donner du pain à des familles qui n'en avaient pas, je le dirai bien, mais j'ignore comment il faut présenter au roy le détail de Fontenoy, l'Erection de l'école militaire, et les autres événements qui ne peuvent choquer que sa modestie. J'ignore sur tout si on peut lui présenter cette édition, qui est pourtant la neuvième.
Tout ce que je sçais c'est que je prends la liberté de l'adresser à mon protecteur qui en fera tout ce qu'il voudra. Il sait mieux que moy quid deceat quid non.

Je ne demanderai jamais rien qui puisse être le moins du monde hazardé. Sa bonté pour moy me tient lieu de tout. Je suis comme le bourgeois gentilhome, j'aime mieux être incivil qu'importun.

Je lui souhaitte du fonds de mon âme succès dans touttes ses entreprises, gaité inaltérable, et point de gravelle.

La vieille marmote des alpes est à ses pieds avec le plus tendre respect.

V.

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