1763-02-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Gabriel Cramer.

Vous m'avez envoié une fille qu'il faut élever, et à qui il faut donner un amant qui porte un nom plus honnête que celui que les belles Dames n'osent pas prononcer.

Je donne aussi quelques nouveaux présents de noce à cette demoiselle, et je fais aussi raccommoder ses vieux habits que vôtre gros Suisse avait mis fort mal en ordre.

Je crois que le septième volume est celui qu'il vous faut pour le Corneille. Ce septième volume commence par Œdipe. Je vais revoir ce que j'ai écrit sur cette pièce. C'est une des plus mauvaises que nous aions au théâtre, et même une des plus ridicules, quoi que le sujet soit le plus terrible. Mais puisque j'ai fait aussi un Oedipe je ne dois parler de l'ancien qu'avec un peu decirconspection. Je dois aussi dire hardiment la vérité. Celà est délicat et demande du tems. Ma santé en demande aussi.

Je vous prie de m'envoier le catalogue des livres de Mr De Tournes. Il me semble que j'y ai vu des tîtres d'ouvrages sur les théâtres des anciens.

Adieu mon cher voisin, tout malade que je suis je ne vous ferai pas longtemps attendre.