à Ferney 12 sept^b[1762]

Je vois Monsieur par le bilan que vous avez la bonté de m'envoier que je suis plus riche que je ne croiais.
Je peux donc laisser 180000^lt entre vos mains, et à l'égard des 44700^lt qui restent je vous supplierai de me les envoyer en or partie par partie à votre commodité. Si vous pouvez me faire avoir àprésent 300 louis d'or je vous serai très obligé, et ainsi de suitte selon que votre loisir et vos affaires le permettront. S'il y a quelques déboursez à faire vous les prendrez sur cette somme de 44700^lt.

Quoy que le s^r Frank bijoutier m'ait flatté que je recevrais son balot la semaine passée, il n'est pourtant pas arrivé. Mais j'ay reçu le petit batau d'argent p^r le professeur Tronchin, et il en est actuellement en possession.

Il faut maintenant monsieur que j'aye recours à vos bontez pour l'agriculture. Je voudrais six cent livres de bonne graine de frumental. Si vous avez quelque ami qui soit connaisseur, je vous prie de l'engager à me choisir la meilleure et de me l'envoyer à Mérin par les rouliers. J'en ay déjà fait un essai qui m'a très bien réussi. Madame Denis gouverne le téâtre, et moy je plante et je sème. On répète actuellement une pièce nouvelle. Il faut dans ce monde faire un peu de tout.

Je vous réitère mon cher monsieur tous les sentiments qui m'attachent à vous pour ma vie.

V.